Magny-cours : "les Enjeux de l'internet pour les Entreprises"
"des économies, de la compétitivité et des capacités de développement"
Aujourd'hui qui n'a pas entendu parler d'Internet?, mais pour autant chacun en a-t-il pleinement compris les potentialités pour son entreprise?
"l'ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance"disait déjà Confucius, "mais le fait que l'on croit savoir!"
Ceux qui croient savoir, parce qu'ils ont un site web et qu'ils "surfent" n'en perçoivent la plupart du temps que l'aspect superficiel et clinquant: site web, paiement en ligne, accès à un milliard de page web... tout cela n'est que l'écume de la mer car le commerce ne représente que le quart des usages de l'Internet et la vente en ligne sur laquelle se polarisent les journaux, moins de 2%. Quant à la navigation au hasard…
Internet, contrairement à ce que laisserait penser le sigle NTIC ce n'est pour l'essentiel ni des technologies, ni de l'information, ni de la "com": c'est plus simplement et plus profondément un nouveau standard de transaction (Internet Protocol), ni plus ni moins révolutionnaire que l'invention de l'alpabet et de l'écriture. Il permet, comme elle, de modifier radicalement l'organisation des transactions de toute nature qui sous-tendent tout notre système économique et social en modifiant des paramètres aussi fondamentaux que le temps et l'espace, donc la souveraineté et le pouvoir qui lui est attaché
Il concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille (les entreprises unipersonnelles comme les "World Companies"), quel que soit leur secteur (de la sidérurgie à la haute couture en passant par le BTP, les industries du bois et évidemment tous les services)
Pierre
Laffitte a coutume de rappeler que dans un yaourt, en termes de valeur
ajoutée, il y a plus d'information que de lait:
Dans
une entreprise "ordinaire" la part de valeur ajoutée "immatérielle"
est en général supérieure aux deux tiers. Les outils
Internet interviennent partout où on "manufacture" l'information
: qu'on l'acquiert, la produise, la transforme, l'utilise dans les process,
la stocke, l'échange, la vende, l'incorpore dans les produits…
Dans une entreprise quels sont les fonctions où l'on ne réfléchit pas?, n'observe pas?, n'utilise pas une "mémoire"?: Internet concerne donc tous les métiers.
Internet offre des outils pour le marketing, la recherche d'appels d'offre, l'assistance des commerciaux sur le terrain, la recherche de partenaires, la surveillance des concurrents, la veille technologique, la conception, l'ingénierie simultanée, les achats et la gestion des appro, le recrutement, la formation, la gestion des compétences, la conduite de production, l'intégration des sous-traitants dans le processus de production, la maintenance, la publicité, la vente, la logistique, le service après-vente, le support des techniciens de maintenance et des clients, la gestion globale des relations client, la télé surveillance, les relations financières avec les partenaires et les Banques, l'information des actionnaires, la dématérialisation des relations avec les administrations, la gestion des crises, la comptabilité et la gestion de l'entreprise (il englobe bien évidemment l'informatique de gestion) , le suivi qualité, la surveillance des risques, la conduite de chantier, la gestion de projet, ...:
pour visualiser en dynamique http://www.yolin.net/prediagnostic.ppt
Ce shéma évidemment très simplifié permet de visualiser quelques unes des principales utilisations des outils Internet dans une entreprise: elle illustre le coté marginal du commerce électronique en ligne (B to C) et surtout montre que celui-ci n'a de sens qu'en tant que maillon d'une chaine qui couvre tout le processus depuis l'analyse du marché, la conception la production et jusqu'à l'après-vente
Internet n'est rien moins que le nouveau système nerveux de notre économie: il permet de passer d'un processus de production séquentiel, donc lent (les stades de production sont éxécutés les uns après les autres)
à un processus continu dans lequel "l'instruction" du client final irrigue instantanément l'ensemble des acteurs concernés par la réalisation du produit ou du service (fabricant, sous-traitant, fournisseur, logistique, banque,..). Il change l'ordre de grandeur des délais, supprime la nécessité de certains stocks et permet une "production personnalisée de masse"
prenons
l'exemple des meubles Grange à Saint Symphorien les Coisnes
*
hier le client venait dans le magasin en périphérie, se laissait
convaincre d'acheter un meuble en stock correspondant plus ou moins à
ses désirs, puis le magasin repassait une commande (parfois même
via un grossiste ou un importateur) le producteur faisait appel à
ses fournisseurs ou sous-traitants, regroupait les composants et réapprovisionnait
* aujourd'hui
le client va dans le magasin, à l'aide d'un conseiller définit
le meuble de ses rêves et quand il clique son instruction sans aucune
resaisie va dans la commande numérique de la machine de découpe
de panneau, déclenche les transactions financières et met
en branle la logistique
Il
ne s'agit plus alors pour les acteurs concerné de "faire" mais de
concevoir les processus qui assureront production livraison et paiement
Internet nouvel outil de gestion des transactions est au service des deux composantes de la stratégie de toute entreprise: sa compétitivité et son développement
En
ce qui concerne la compétitivité Internet permet d'écraser
les couts
*d'échapper
aux logiques propriétaires et d'écraser les coûts informatiques
et télécommunications (un des premiers surnoms de l'Internet
a été le "fax killer"),
*de
réduire les coûts administratifs internes (l'information
n'a besoin d'être saisie qu'une seule fois... et elle l'est souvent
par le client),
*de
limiter les stocks (représentant une immobilisation souvent
d'un ordre de grandeur voisin des outillages de production),
*de
réduire le coût administratif des achats (celui-ci
chute d'environ 500F par commande à moins de 30F),
*de
faire jouer plus facilement la concurrence entre les fournisseurs
(c'est le sens de la mise en place des gigantesques "market place" dans
tous les secteurs : automobile, aéronautique, chimie, sidérurgie,
grande distribution,...:celles qui se développent actuellement visent
un flux de transaction à travers elles de 3000 Milliards de $),
*d'améliorer
le service après-vente tout en abaissant son coût (SVP,
mise à disposition de documentation technique à jour, télé
diagnostic, télé maintenance, télé formation
des opérateurs, connaissance fine et rapide des problèmes
rencontrés, assistance des techniciens sur site,...)
Internet
offre aussi les outils permettant une réactivité et une flexibilité
plus grande:
*
coingénierie entre donneurs d'ordre, sous-traitant et sous-traitant
du sous-traitant, qui permet des réductions considérables
du temps de conception d'un nouveau produit (Fisher, fabricant de vannes
est ainsi passé de trois semaines à 90mn par exemple),
*
capitalisation des connaissances internes et des informations recueillies
à l'extérieur,
*
renforcement de l'efficacité des commerciaux qui sont en mesure
d'apporter chez le client des informations beaucoup plus riches, de procéder
à des simulations, et, en liaison avec le bureau d'études
d'élaborer en temps réel des propositions personnalisées,
puis de prendre la commande et de lancer la production sans délai
En ce qui concerne le développement, Internet permet de trouver
* de
nouveaux clients: Airstar, cinq personnes à Grenoble,
fabricant de ballons éclairants, trouve ainsi des clients dans le
monde entier
*
de nouveaux partenaire : Déjoyaux, fabricant de piscine
à St Étienne recrute par ce moyen de nouveaux distributeurs-installateurs
dans toute l'europe
*
de nouveaux marchés: en particulier les banques d'Europe
du Nord visent une implantation sans agence dans les autres pays européens
*
de nouveaux collaborateurs: relais&châteaux recrute
ainsi cuisiniers et sommeliers
*
de nouveaux fournisseurs: c'est le marketing amont qui permet de
rechercher de nouveaux produits de nouveaux fournisseurs: avec la reduction
des couts administratifs et la mise en concurrence des fournisseurs actuels
c'est troisième niveau de gains sur les achats
*
de se positionner sur le marchés émergents des communautés
de clients : ceci permet à de petites entreprises de se substituer
à de grands groupes (la communauté des chirurgiens de
la main américain au lieu de se laisser démarcher par des
grands groupes, conçoit le cahier des charges des produits correspondant
à ses besoins et fait appel à des PME pour leur fabrication)
*d'augmenter
la "mind share" ("part de client"): plutôt que de rechercher
de nouveaux clients (part de marché), il est souvent plus rentable
de fournir davantage de produits ou de services à ceux qui vous
font déjà confiance: un petit boucher de la banlieue résidentielle
de Toulouse offre ainsi à ses clientes qui travaillent en ville
la possibilité de passer leurs commandes pendant la journée
sur son site et de récupérer celles-ci en passant le soir:
il a ainsi, à peu de frais, significativement augmenté son
chiffre d'affaires hors week-end
Dans
tous ces domaines nos retards sont considérables:
contrairement à ce qui se dit souvent le décalage n'est pas entre l'Europe et les États-Unis mais entre les pays à culture latine, ancrés sur les notions de territoire et de patrimoine et donc de pouvoir et de hiérarchie et ceux à culture anglo-saxonne plus axée sur les réseaux et la création de valeurs. On peut estimer l'ampleur de notre retard avec les pays du Nord à un facteur trois à cinq: la Suède et la Finlande sont par exemple clairement devant les Etats Unis
De plus ce retard n'est pas seulement quantitatif: une récente enquête d'UFB-locabail a montré que 81% des sites français ont été réalisés pour des objectifs de "notoriété" alors que dans la même proportion les Anglais ont répondu "pour rendre un service plus efficace à nos clients". C'est ce qui conduit dans notre pays à la floraison de sites "plaquettes" ou "boutiques en ligne" sans autre intérêt que de montrer aux concurrents que vous n'avez rien compris Internet
Ces sites "Zombie" ont tout de même un intérêt : celui d'acheter son nom en ".com", car n'oublions pas que dans notre pays seulement 7,3% des nom d'entreprise ou de marque appartiennent à leur légitime propriétaire! Quand on sait qu'il en coute 12$ et 5 minutes pour l'acheter chez www.gandi.net contre plus de 100.000$ ou un long procès pour récupérer les conséquences de son imprévoyance. Vivendi vient de débourser 24MF pour racheter viz@vi et une somme non communiquée mais à l'évidence très conséquente pour un autre vizavi.com et la semaine dernière c'est Fance2 et France3 qui essaient de récupérer leur nom auprès d'un Coréen qui menace, en cas de refus d'accepter son prix, d'y mettre un site "pour adulte")
Un des problèmes majeurs que rencontre une entreprise qui a pleinement compris les enjeux de l'Internet est qu'elle ne peut pas aller très loin seule :
Plus sa taille est faible plus les transactions internes deviennent secondaires par rapport aux transactions avec ses clients, partenaires, fournisseurs... : comment mettre en place un système d'approvisionnement électronique quand les fournisseurs ne se sont pas organisés en conséquence ? Comment gérer sa trésorerie avec la banque si celle-ci n'offre pas le service ?, Comment assurer la formation continue de son personnel si les formateurs en ligne n'existent pas?, Comment faire du coingéniering si donneurs d'ordre et sous-traitant ne sont pas équipés?, Comment assurer une promotion internationale d'une zone touristique si toutes les entreprises et tous les services concernés ne participent pas à un même extranet :
au-delà de la sensibilisation, du prédiagnostic , de l'aide au conseil, de la formation des patrons d'entreprises et de ceux qui les conseillent, c'est à l'évidence dans le domaine des actions collectives, menées avec une collectivité d'entreprises travaillant ensemble, que les Pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer, notamment nos services régionaux, les DRIRE les DRCE et les DRCA, en partenariat avec les CCI ainsi qu'avec les organisations professionnelles et les collectivités locales.
Ce n'est pas parce que la bulle financière a crevé comme chacun d'ailleurs le prévoyait que le mouvement de fond ne se poursuit pas au même rythme: en France mes multiples contacts m'ont permi de voir que c'est seulement au printemps 2000 que la prise de conscience s'est produite au niveau des patrons des grands groupes! Mais rappelons nous que si les éléphants sont longs à démarrer, ensuite ils courrent très vite
Aussi je me réjouis de cette initiative qui nous rassemble aujourd'hui qui doit permettre cette prise de conscience, nécessairement collective, dans une profession qui, du sylviculteur jusqu'au produit fini ne peux être performante dans la compétition chaque jour plus internationnale que si chacun de ses acteurs peut travailler efficacement avec ses partenaires
Magny-cours
le 1er Mai 2001