Paris
le 17 Avril 2000
Depuis
un an, que de chemin parcouru !
Si la création
d'entreprise en général a connu une lente érosion
sur ces cinq dernières années (avec une légère
reprise en 99), les entreprises "technologiques", créées
notamment par de jeunes ingénieurs, ont vu leur natalité
exploser en cette année de fin de siècle.
Certes leur nombre
peut sembler négligeable : quelques milliers, sur près de
300.000 "naissance" au total. Mais ce sont elles qui portent nos espoirs
dans la compétition internationale et qui sont susceptibles d'assurer
la création de nombreux emplois qualifiés.
Gardons à
l'esprit que la première capitalisation mondiale est maintenant
Cisco (avant General Motors), entreprise qui n'était encore qu'une
grosse PME il y a cinq ans. D'autre part toutes les innovations majeures,
qui bousculent notre économie (et notre société) sont
nées dans des start-up qui ont " Amazoné" les grosses structures
traditionnelles, paralysées par leurs structures de pouvoir
3 séries
de facteurs nous paraissent être à l'origine de cette jouvence
D'abord des facteurs
négatifs :
-
la mondialisation
avec son cortège d'OPE, d'OPA, de recentrages, de faillites et de
restructurations "à la hache" a définitivement "cassé"
le modèle de l'emploi à vie, commun jusqu'il y a peu à
tous nos grands groupes (pour la plupart nationalisée) : un jeune
ingénieur pouvait y faire carrière en y progressant régulièrement
jusqu'à sa retraite avec un statut professionnel bien considéré
et un travail convenablement payé
-
l'État lui
aussi s'est "recentré sur son coeur de son métier", il embauche
moins et ses emplois sont moins attractif car, si ceux-ci offrent encore
une perspective d'emploi à vie ils ne permettent plus d'espérer
les confortables pantoufles d'antan (antan = cinq ans)
-
Moins aux abois pour
assurer leur trésorerie les États ont cessé d'accaparer
l'épargne : il y a encore cinq ans il fallait une certaine dose
de masochisme ou d'inconscience pour préférer investir ses
économies dans des entreprises quand les sicav monétaires,
acquises à travers un contrat d'assurance-vie, vous offraient près
de 10% de rendement, net d'impôt et d'inflation, avec "effet cliquet",
une liquidité totale, avantage fiscal à l'entrée et
à la sortie,... et sans frais de succession !. Cette voie de facilité
disparue, investir dans les entreprises redevient un placement, certes
risqué, mais le seul à offrir un espoir de rendement substantiel.
C'est sur cette mutation que se sont développé une toute
nouvelle race d'investisseurs pour notre pays : les business Angels
Ensuite des facteurs
positifs :
-
Internet offre un
champ immense pour la création d'entreprise (100% des introductions
au Nouveau Marché depuis le début de l'année !) :
les atouts pour y réussir sont la capacité à innover,
à réagir "au quart de tour", à s'investir nuit et
jour et à accepter les risques. L'expérience professionnelle
n'a qu'un intérêt limité dans un secteur aussi vierge
et les capitaux nécessaires pour démarrer sont quasi nuls
: il devient ainsi possible de créer une entreprise dans ce domaine
dès la sortie de l'École (voir avant...)
-
les stages à
l'étranger (essentiellement aux États-Unis) exigés
par toutes les grandes écoles permettent aux élèves-ingénieur
de prendre conscience que créer son entreprise est un objectif professionnel
"normal". Si malheureusement beaucoup restent là-bas, ceux qui reviennent
bénéficient d'un atout considérable : notre pays ayant
trois ans de retard, il leur suffit bien souvent de transposer ce qui existe
déjà là-bas pour élaborer un business model
-
les Écoles
d'Ingénieur prenant conscience de ces évolutions, commencent
à en tirer les conséquences au niveau de leurs enseignements
: l'École Centrale par exemple a multiplié par cinq en un
an le nombre de ses optionnaires "création d'entreprise" et l'École
des Mines d'Alès en association avec HEC-entrepreneur a refondu
entièrement sa formation autour de la notion "d'ingénieurs
entrepreneurs"
-
Des incubateurs,
privés ou publics, offrant au créateur, outre l'hébergement,
un réseau de relations industrielles et technologiques, des conseils
juridiques et de management, ainsi que des des relations privilégiées
avec les Business Angels, facilitent ses premiers pas. Par ailleurs des
"foyer" de starts-ups comme celui du "Sentier" à Paris créent
un "bouillon de culture" particulièrement fructifère
-
Enfin, même
s'il reste encore une marge de progrès, par petites touches successives,
la fiscalité devient moins dissuasive, les formalités s'allègent
et leur coût baisse
Enfin des facteurs
symboliques réorientent les énergies
Même les
personnes les moins influençables orientent pour une large part
leurs choix professionnels en fonction de la "reconnaissance sociale".
Jusqu'il y a peu, entrer dans un Grand Corps de l'État était
infiniment plus valorisant que de créer son entreprise (et l'échec
d'un créateur était sans appel)
-
Depuis un an les
plus hautes Autorités de l'État, suivies par les médias,
ont marqué par leurs propos où leurs déplacements
l'importance que notre société attachait au nouveau héros
qu'est le créateur : ce message a été je crois clairement
perçu
-
N'oublions pas enfin
la part du rêve : on ne compte plus aux États-Unis les jeunes
créateurs devenus milliardaires (en dollars) en moins de cinq ans
(malgré le récent "réajustement" Yahoo! vaut encore
davantage que le capital cumulé de nos trois plus grandes banques...).
Mais si rien ne garantit bien évidemment la pérennité
de ces valorisation, le spectacle de multiples Davids terrassant autant
de Goliaths peuple les rêves de bien des jeunes
Au-delà même
du nombre d'emplois créés et des richesses nouvelles engendrées,
les entreprises de la nouvelle économie contribuent à forger
la culture du monde : il est important que les nôtres, qui portent
aussi, même inconsciemment, les valeurs de notre nation fassent soient
dans la tête du peloton. Nos jeunes ingénieurs font partie
de ceux qui portent nos espoirs